Si on dimensionnait une colonne uniquement pour reprendre la charge de compression, comme toute la section travaille au maximum (contrairement à ce qui se passe en flexion) et que la plupart des matériaux de construction présentent une bonne résistance en compression, une section de dimensions restreintes suffira. Par conséquent, la colonne présentera un profil relativement élancé. Dans ces conditions, une fois chargée, elle ne va pas s'écraser en compression, ni se fissurer sous l'effet de la traction transversale, mais partira à la ruine suite au flambement.
Il y a là l'intuition qu'en fait, une colonne se ruine avant que la résistance limite plastique f de son matériau constitutif ne soit atteinte : sadm,compr < f [Pa].
Il semble donc que, pour une colonne, il existe une troisième manière de ne pas être acceptable (et qui est même généralement prépondérante), hors rupture (écrasement) et déformation (tassement) excessive. Il faut maîtriser ce 3e mode de destruction – ce d'autant plus que son caractère soudain le rend particulièrement dangereux : si un bâtiment allait à la ruine de cette manière, les occupants n'auraient pas le temps de s'en échapper. C'est donc sur ce phénomène du flambement que se concentre la conception des colonnes.
Corollaire : comme le flambement consiste en de la flexion (parasite), il y aura une parenté entre les logiques de choix de la forme de la section d'une colonne et celles pour une poutre (soumise à de la flexion principale).
La colonne va toujours fléchir dans le plan dans lequel elle présente l'inertie la plus faible. Rien ne sert donc de booster l'inertie dans l'autre plan, celui "fort", pour essayer de compenser (comme de prendre une latte plus large). Ce qu'il faut, c'est donner à la section la même inertie dans toutes les directions ; tout surplus dans une direction particulière constitue une dépense inutile.
Remarque : on peut comparer à la poutre. Là, on sait toujours dans quel plan particulier la flexion va se développer : celui dans lequel on applique la charge transversale, c'est-à-dire généralement le plan vertical. Dès lors, on booste l'inertie dans ce plan en choisissant des sections "hautes".
Ensuite, pour présenter une telle résistance au flambement identique dans toutes les directions, est-il nécessaire que la section présente la même inertie dans TOUTES les directions (comme une section ronde le ferait) ? Cela nous laisserait peu de choix. En réalité, une propriété mathématique étonnante assure qu'il suffit qu'une section présente la même inertie autour de 2 axes perpendiculaires pour alors présenter la même inertie dans toutes les directions. C'est le cas par exemple d'une section carrée.
Rappelons-nous ce qui se passe dans l'élément classique en flexion, la poutre. Nous savons que dans la section d'une poutre, ce sont les fibres extrêmes (c'est-à-dire supérieures et inférieures) qui sont le plus sollicitées, tandis que la zone médiane l'est très peu (on parle de "plan neutre"). Il est donc favorable de localiser la matière là où elle va vraiment travailler beaucoup et donc être la plus utile, et l'économiser là où elle l'est moins. C'est ce qui mène par exemple aux profilés en I.
Transposé aux colonnes, qu'est-ce que cela donne ? Comme le flambement, flexion parasite, peut cette fois se développer dans n'importe quelle direction, le plan neutre se réduit à un "axe neutre", qui coïncide avec l'axe de la colonne. Comme la matière à cet endroit ne travaille quasiment pas, on a intérêt à choisir une forme qui écarte la matière au maximum, dans toutes les directions, de cette zone où elle ne sert à rien.
Cela mène aux profilés. Ils présentent un plus grand encombrement que des sections pleines, mais ils économisent la matière (c'est-à-dire qu'au final, ils sont plus légers) et leur espace "vide" peut parfois être utilisé.
Deux types de section sont possibles :
section fermée : les tubes
section ouverte : profilés en I, U, croix / étoile (profil reconstitué), etc.
Côté matériau, ces formes correspondent plutôt au métal. En effet, autant le bois ou la pierre amènent des sections pleines de par leur technologie, autant le métal, qui coûte plus cher et doit de toute façon être façonné, va exploiter ce filon. C'est pourquoi, sur le plan historique, ces formes n'apparaissent qu'avec la fonte, vers la fin du 18e s.
Aujourd'hui, on trouve des tubes et profilés en bois, en bois lamellé-collé, en verre, etc.
Principaux avantages des tubes / inconvénients des profilés ouverts :
‑ dans les tubes, toute la matière est écartée du centre, ce qui est plus efficace et donc plus léger ;
‑ la plupart des tubes du commerce présentent la même inertie dans toutes les directions, alors que les profilés ouverts courants sont généralement anisotropes ("polarisés") (exceptions : croix, étoile, croix de Malte, etc.) ; ces derniers vont donc toujours devoir être assortis d'éléments stabilisateurs pour les renforcer dans leur axe faible.
‑ les profilés ouverts sont sujets à voilement des ailes, qui est suivi par un flambement généralisé en torsion, vu leur faible résistance de ce point de vue ; au contraire, les tubes résistent bien à la torsion, ce qui peut être intéressant pour le contreventement et la conception parasismique.
Principaux avantages des profilés ouverts / inconvénients des tubes :
‑ la production en est plus simple – du moins pour les classiques I, H et U, moins pour les croix, étoiles, etc. Ils coûtent donc moins chers.
‑ toutes les faces du profilé sont accessibles, ce qui permet un contrôle aisé de la corrosion, et autorise à utiliser un matériau plus fragile et moins cher que de l'acier inox (ou à tout le moins de l'acier zingué), indispensable pour les tubes, dont il est difficile d'aller vérifier à l'intérieur qu'ils ne se dégradent pas.